L'académie était calme en cette journée grise de septembre. Aucune personne ne semblait arpenter ses couloirs, ses salles de classes ou ses bureaux, ni même le parc l'entourant ou le lac...
Le hall semblait alors très morne, vide et silencieux dans l'atmosphère grisâtre que les murs de pierre s'efforçaient de donner.
Les longs escaliers menant aux étages semblaient s'étendre à l'infini, ce qui ne donnait pas du tout envie de les emprunter.
Soudain, le calme omniprésent fut dérangé par des bruits de pas foulant le gravier le long de l'allée, au dehors, puis les portes du hall s'ouvrirent avec fracas, laissant la lumière tamisée du jour pénétrer à sa guise l'intérieur de l'édifice autrement que par les quelques petites fenêtres qui se trouvaient ça-et-là.
La silhouette qui venait de se profiler dans l'ouverture de la porte fit quelques pas en avant, d'une manière qui donnerait froid dans le dos à quiconque l'aurait vue tant elle était cadencée d'une manière presque militaire et autoritaire.
Cependant, si l'on remontait de ces pieds qui martelaient le sol jusqu'au visage de son possesseur, on pouvait s'apercevoir que cette démarche vive s'apaisait avec les courbes voluptueuse de cette personne que les quelques vêtements assez provocants laissaient voir, le peu qui se trouvait caché était donc facile à imaginer. Toutefois, en voyant le visage de la Capitaine des alchimistes, toute forme de sérénité s'effaçait aussitôt, non pas qu'Annabella eut un visage déplaisant, bien au contraire, mais que ce visage exprimait parfaitement le caractère de celle-ci : elle était furieuse.
Si vous avez perdu votre regard sur les hanches d'Annabella -à vos risque et périls !- vous n'avez pas fait attention à ses bras, ni à ses mains, et surtout à ce qu'elle tient dans chacune d'elles : une lanière de cuir permettant de tenir la plaque de métal qui se trouve sur le dos de ses doigts et qui soutiennent chacun trois longs fouets de métal chacun, eux-mêmes laissant voir un mince filet de sang couler le long de leur corps froid.
Annabella revenait d'un tour dans les ruelles de Londres où elle avait eu le plaisir de faire la rencontre d'un vieil homme rongé par la vermine et délinquant sexuel. Le pauvre lui avait sauté dessus, mû par ses pulsions, sans faire attention aux dangeureuses armes qui pendaient le long des flancs de la jeune femme. Il en avait payé le prix fort.
*Je hais les hommes !* hurla Annabella dans sa tête, ce qui réveilla son mal de crâne aussitôt.
Son pouvoir lui causait toujours de terribles maux lorsqu'elle l'utilisait, et il s'avérait qu'elle l'utilisait souvent... très souvent... même trop souvent... sans particulièrement le faire exprès. C'était une véritable plaie d'avoir le pouvoir de commander par la dictée lorsque celui-ci vous déclenchait une migraine carabinée dans la seconde qui suivait.
Anna avait apprit à le maîtriser, mais lorsqu'un individu du sexe masculin l'abordait, elle n'arrivait pas à se contenir et les ordres tels que "lâche-moi !", "bas les pattes !" ou "hors de ma vue !" sortaient tous seuls de sa bouche.
Pire encore, elle pouvait déclencher une migraine juste en demandant un morceau de pain à table... bien que ce fut rarement le cas, car ce n'était pas dans ses habitudes... elle mangeait seule la plupart du temps, sauf quand elle était obligée d'avoir de la compagnie...
Cette fois-ci, les ordres avaient surgi comme la foudre de ses cordes vocales lorsque le violeur s'était jeté sur elle et maintenant, elle souffrait tout en maudissant ce satané malfrat.
Elle était tellement absorbée dans ses jurons intérieurs et sa migraine qu'elle ne remarqua pas sur le moment qu'elle n'était plus seule...